mardi 26 février 2008

v.q.


La plus cruelle réalisation qu’on peut avoir c’est la réalisation crue et certaine qu’on n’a pas vraiment vécu notre vie. Et non, pas d’adverbes qui manquent à la fin de cette phrase. Ce n’est pas qu’on ait pas vécu pleinement la vie ou passionnément ou modestement ou n’importe quel autre terme. Non. C’est qu’on ne l’ait pas vécue du tout.

C’est ainsi. On se réveille un jour, on fait tous les fastidieux rituels qui constituent notre sorte de refuge vital et au moment où nos yeux croisent ces autres yeux figés dans une familièrement étrange réflexion, on est heurté par l’infâme impression que quelque chose cloche. C’est comme quand la caméra n’arrive plus à trouver le focus parfait pour redonner à une nature morte la vie. De même. On n’arrive plus à retrouver cette complicité qu’on a pris des années à bâtir avec notre propre réflexion.

Et le monde autour de nous s’écroule.

Tout semble se revêtir du misérable costume du mensonge. Rien, mais rien dans notre vie n’a été fait pour les bonnes raisons. Aucune, mais aucune décision n’a été prise par notre choix conscient. On se réalise victime de soi-même, invinciblement et inévitablement gâché, pour la vie. Et l’on se rassure avec tout ce que notre raison peut puiser comme excuses. Et l’on se dit que c’est la migraine qui nous joue ses jeux, que ces nos hormones qui sautent un peu, que rien mais vraiment rien ne peut ruiner tous les achèvements d’aujourd’hui.

On se fixe dans le miroir à nouveau,
pour les plus brèves secondes…
et on court.

On casse notre rituel et on s’échappe. Une urgente envie nous envahit de courir, sans aucune destination. Courir. Peut-être qu’avec la course viendra l’oubli. Peut-être qu’avec la vitesse les larmes sècheront, les plaies guériront et les mémoires s’engourdiront.
Une course, un souffle coupé, une sueur froide, une cigarette et un café après, on se sent rétabli petit à petit dans notre refuge. Il parait que les insécurités trouvent leurs issues à la vue de ce paysage peint qui nous accompagne pendant chaque pause-café, à l’entente de ces murmures télévisés qui ne nous lâchent pas de la journée et à l’odeur de cannelle qui nous séduit chaque soir de la boulangerie du coin. Nos sens chassent nos insécurités pour retrouver leur propre monde de sécurité à l’insu de tous les interventions extérieurs qui nous invitent à une nouvelle vie pleine de nouvelles aventures chargées de l’effrayant inconnu et nous drague infiniment, inlassablement vers le passé familier, vers le passé sûr…
vers la réalisation, crue et certaine, qu’il est désormais trop tard.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il parait que les insécurités trouvent leurs issues à la vue de ce paysage peint qui nous accompagne pendant chaque pause-café, à l’entente de ces murmures télévisés qui ne nous lâchent pas de la journée et à l’odeur de cannelle qui nous séduit chaque soir de la boulangerie du coin

c beau.plein d'images.un peu depressif, mais bon c mauve koi!
je suis tres ravie de lire a nouveau tes pensees.