lundi 8 décembre 2008

in.sens.é

Je voudrais être unique au monde comme si rien n’était déjà là quand je suis venue dans cette existence. Comme si la bougie qui s’est allumée la veille de ma naissance était faite des essences des étoiles. Comme si chaque cerveau qui ruminait ce qu’il ruminait à la seconde même de mon premier cri avait, pour cette fraction de seconde, arrêté de penser pour m’infliger et m’inspirer toutes les unicités qui rendront mon soupir aussi unique qu’unique l’est.
Je vous aime tous. Je vous adore tous. Même si je ne l’exprime pas assez. Les mots exprimés, les mots, dès qu’ils échappent au papier, dès qu’ils échappent à la pensée, perdent leur substance et leur sens. Et pourtant, on ne peut pas laisser nos mots a nous-même. Nos oreilles en ont un besoin vital. Même si l’ouie les rend illusoires, même si l’ouie les rend moins réels et presque optionnels. On peut choisir d’y croire comme de ne pas y croire. Mais sur papier, mais dans le cœur, leur intensité se multiplie par l’infini. Il faut qu’il y ait un autre moyen de communication que celui du bouche-à-oreille. Le bouche-à-oreille est beaucoup trop léger pour toute la gravité que peut porter une pensée, un sentiment. C’est une vraie perte de puissance, de richesse. Ca fait mal.
Je pense au toucher. Je te touche et j’y mets tous les sentiments que je couve au fond de moi et j’espère que tu attraperas, pendant ce frêle frôlement de corps, que tu attraperas ce qui échappe aux mots parlés, à toutes ces structures inépuisablement manipulés de toutes les façons possibles, tous ces compléments d’objet directs et indirects, ces circonstanciels de lieu, de temps, du passé et du cœur. Je prie que tu attraperas ce qui échappe à l’ouie, que tu inhaleras ce simple geste physique par tous tes sens sauf l’ouie.
En vain.
Le toucher appartient tellement à ce monde que sa futilité devient presque intouchable. Je te frôle de la même façon que te frôlent des dizaines d’autres mains dans une seule journée. Mes sens se tuent à la quête de tes sens et ne retrouvent q’un vide insensé. Sens-tu ce surplus de parfum que je ne vaporise que pour toi ? Tes yeux, ne plongent-ils pas assez dans mes yeux pour retrouver les flammes qui se nourrissent à chaque regard, à chaque murmure, à chaque arôme, à chaque contact ?
Ne reste qu’un seul sens, qui risque à son tour de perdre toute valeur. Ne reste qu’un seul sens qui puisse te parvenir ces sous-entendus. Un seul sens. Prendrai-je le risque ?